
LE GRAND DÉBAT GUÉTHARY – 9 mars 2019
Compte rendu de la réunion consacrée au thème « Fiscalité et dépenses publiques ».
Mme Burre-Cassou, qui accueille dans la salle d’honneur de sa mairie les organisateurs et les participants, se félicite d’abord de l’intérêt soutenu des citoyens de sa commune qui participent, avec assiduité et respect les uns pour les autres, depuis 4 semaines, aux réunions tenues à Guéthary dans le cadre du Débat National.
En introduction et en vue de donner aux échanges de vues et aux propositions une base de départ concrète, on communique aux participants les quelques données qui rendent compte, à grands traits, de la situation financière du pays, tant du côté de ses ressources fiscales que du côté des dépenses publiques. Ces données ont pour source les publications les plus récentes de l’OCDE ainsi que les informations émanant des organisateurs nationaux du Grand Débat. Elles portent :
- sur ce que l’on rassemble sous le vocable de dépenses publiques : dépenses de protection sociale, (dont les retraites, l’assurance maladie et la famille) et dépenses finançant le fonctionnement et les interventions des pouvoirs publics au sens large ;
- sur le niveau des dépenses publiques apprécié en pourcentage de la richesse nationale créée chaque année (PIB) en France et dans les principaux pays européens ;
- sur le niveau des prélèvements obligatoires (impôts, taxes et cotisations), destinés à couvrir ces dépenses et appréciés en pourcentage du PIB, en France et dans les principaux européens ;
- sur le déficit public et le niveau de la dette, en valeur absolue et en pourcentage du PIB
Il résulte de ces données qu’en France le niveau des dépenses publiques et celui des prélèvements obligatoires sont sensiblement plus élevés que dans les grands pays comparables de la zone euro. Néanmoins, les finances publiques n’ont cessé d’être déficitaires depuis 45 ans entraînant la formation d’un dette totale de près de 100% du PIB.
Au cours de la réunion et à leur demande, les participants auront connaissance de la répartition détaillée des dépenses publiques et du rendement annuel des principaux impôts.
Enfin, on propose comme fil de la discussion de suivre le questionnaire suggéré par les organisateurs du Grand Débat : comment s’attaquer au déficit ? Baisser les dépenses ?
Augmenter les impôts ? Les deux à la fois ? Maintenir la situation présente ? Quelles dépenses de la sphère publique étatique réduire en priorité ? Quelles dépenses de protection sociale réduire ? Comment procéder ? Etc.
Les débats ont fait apparaître, résumées par grands thèmes, les questions et les recommandations suivantes.
En vue de maîtriser la dépense, on met d’abord en cause l’absence d’efficacité ou de rationalité de l’organisation publique qu’il faudrait soumettre à un examen attentif : existence de doublons, addition de strates administratives aboutissant à des réformes en trompe-l’œil, empilements des structures au lieu de leur simplification effective, etc.
Il est donc suggéré de conduire un exercice de redéfinition des missions de l’Etat à l’imitation, par exemple, de ce que la Suède a pu faire depuis 30 ans à partir d’un Etat « social » très développé.
Dans le même ordre d’idées, on souligne que le « recul » de l’Etat aboutit à transférer aux collectives territoriales un nombre grandissant de missions entraînant ces superpositions de strates administratives et des dépenses accrues que gonfle, de surcroît, une demande sociétale en hausse.
Pour favoriser une plus grande maîtrise de la dépense publique dans les collectivités, un accent tout particulier est mis par un participant sur l’intérêt que présenterait une organisation territoriale basée sur de « vraies régions », laquelle permettrait, en rapprochant dans un cadre naturel les citoyens de leurs mandataires, de gérer les deniers publics selon un principe de responsabilité directe et rapprochée.
Exemple est pris à cet égard du Pays Basque espagnol où l’existence d’un « gouvernement » responsable dans une collectivité à la personnalité clairement établie aboutit à une gestion moins dispendieuse et non moins efficace des recettes fiscales.
Dans la même veine, on recommande aussi que l’Etat mette en place un instrument de veille et d’analyse des meilleures pratiques constatées dans les pays européens concernant la maîtrise et la réduction des dépenses publiques et qu’on durcisse les règles de responsabilité de tous les acteurs politiques de la dépense publique. En élargissant peut-être les missions et les pouvoirs de la Cour des Comptes. Certains tiennent à souligner que les efforts de rationalisation ne peuvent produire des effets immédiats car la réduction attendue des effectifs ne peut que s’étaler dans le temps au fil des départs en retraite. En outre, elle est ralentie par les problèmes d’accès aux services publics qui peuvent résulter de leur regroupement géographique. Ainsi chasse aux doublons et recherche de la proximité peuvent se contredire, comme dans la « Nouvelle Aquitaine ».
S’agissant des dépenses de l’Etat, on recommande fortement que la sphère publique la plus élevée, Présidence de la République, Parlement, Gouvernement, dans tous leurs organes (y inclus les anciens présidents), s’applique une véritable austérité afin de pouvoir la proposer en exemple au pays en vue des efforts à accomplir pour maîtriser la dépense publique.
La discussion s’est ensuite portée d’elle-même sur les obstacles à lever ou les initiatives à promouvoir en vue de favoriser la croissance de l’activité économique, laquelle, selon bon nombre de présents, est le seul vrai moyen pour restaurer les équilibres du pays. « C’est la création de richesses qui est la solution » selon le mot d’un participant.
A cet égard, on a cité à plusieurs reprises l’erreur « fondamentale » (sic) de la retraite à 60 ans. Mais ont été soulignés aussi le recul insuffisant, depuis lors, de l’âge de départ à la retraite alors que l’espérance de vie s’allonge dans les pays européens, les régimes spéciaux de retraite, la durée hebdomadaire (35h) de travail, la rigidité de certaines réglementations encadrant trop strictement encore le contrat de travail (CDD, CDI), les règles d’indemnisation du chômage (« système qui n’encourage pas le travail »), l’importance des charges salariales, la dévalorisation persistante des métiers manuels, les aberrations des dispositifs de formation professionnelle.
Les obstacles réglementaires ont aussi été cités avec l’exemple actuel de Safran, entreprise française de dimension et de renommée mondiales, qui ne parvient pas à trouver en France des sites capables ou désireux d’accueillir ses usines ! La complexité fiscale, sociale, réglementaire paralyse le développement de l’activité et fabrique de la dépense publique stérile.
Puis ont été mis en discussion, à l’initiative des participants, deux dispositifs fiscaux souvent cités dans le débat public.
Selon les personnes ayant pris la parole sur ce point, l’ISF a été un impôt qui a nui à l’essor économique du pays. Il se présente comme un élément de réduction des inégalités, mais se traduit en fait par une « destruction » d’activité et une déperdition de talents sans compter ses nombreux dispositifs d’exception qui en font un prélèvement inégalitaire.
Les droits de succession aussi ont été critiqués par certains participants car ils pèsent lourdement (la France ayant un des régimes les plus lourds en la matière) sur le « patrimoine entrepreneurial » de ceux qui ont pris et assumé les risques inhérents à la création et au développement des entreprises. Il est souligné que ce patrimoine n’est constitué qu’après avoir déjà acquitté l’impôt sur les bénéfices et souvent l’ISF. Mais surtout, il rend très difficile la transmission sans heurts aux héritiers, entraînant souvent la vente des entreprises de taille moyenne à de grands groupes, français ou étrangers, moins soucieux de pérennité (y compris locale) que de rentabilité. « Une réforme radicale devrait intervenir sur ce point », au besoin en conditionnant la suppression des droits de succession à l’engagement des héritiers de maintenir leur entreprise pour une certaine durée dans le patrimoine familial.
Se portant sur le terrain de la psychologie sociale, un participant a regretté que les mentalités françaises soient enclines à montrer du doigt telle ou telle catégorie, « les riches » , « les retraités », etc. Ce qu’une interlocutrice a qualifié de « narcissisme de vengeance »…
Enfin, il a été bien sûr relevé une certaine « schizophrénie du débat » en France car les mêmes (c’est-à-dire tout le monde) demandent en même temps davantage de services et moins d’impôts tandis que d’autres comparent des choses peu comparables, telle la France avec l’Allemagne, laquelle n’a introduit le salaire minimum garanti qu’en 2015.
Deux suggestions ont aussi été faites :
Que les allocations familiales soient de nouveau octroyées sous conditions de ressources.
Que l’on essaie, à l’image de ce que font les Etats-Unis, d’instaurer pour notre pays et ses ressortissants, un impôt « mondial » payable quel que soit le lieu de résidence fiscale.
Rédigé par Dominique Ferrero